L'Alpe d'Huez - version Triathlon



Je participais jeudi au Triathlon de l'Alpe d'Huez Longue distance. Après 2 jours de récup, à essayer de remettre mon estomac à l'endroit 😵, je partage avec vous le récit de cette course intense et riche en émotions.

Ça fait 2 ans que j'ai cette course dans la tête, à attendre le "bon " moment pour m'inscrire. 2019 me semble être la bonne année, puisque nous avons prévu avec Pascal de faire l'Ardéchoise, qui pourra je pense me faire une bonne préparation pour l'Alpe d'Huez.

Moi qui suis habituée à mes petits triathlons de campagne avec max 400 personnes au départ, je rentre là dans une autre dimension avec 1318 inscrits sur le L (dont 160 filles): 650 français et un mélange de belges, allemands, anglais, et autres sud africains ou australiens.... 150 triathlètes ELITE en prime: cette course sera forcément différente de toutes les autres.

Deux inconnus pour moi sur ce longue distance très atypique au vu du dénivelé: l'alimentation à gérer sur un effort que j'estime à 11h, et la canicule qui s'invite en cette fin juillet à l'Alpe d'Huez avec des températures de 38° prévues le jeudi....

Mais bon j'ai signé, alors plus le choix il faut y aller😊

Jeudi matin 9h30 c'est le départ des filles pour la natation (les garçons partiront 15 mn après nous). Je décide cette fois de partir devant, je sais que je vais me faire larguer en 3 coups de bras par 2/3 du groupe, mais je me dis que c'est ma seule chance pour tenter de choper la vague d'une nageuse de mon niveau.

2200m à faire en une boucle dans le lac de Verney à 700m d'altitude, l'eau est bonne (18.3°), bleue et transparente... ce n'est que du bonheur. Très vite j'arrive à me mettre dans les pieds d'une fille que je ne lâche plus pendant 700m, c'est top ça avance tout seul 😀 Quand je relève quand même la tête, je vois que nous sommes loin de la file de nageuses qui s'est formée beaucoup plus à gauche. Je décide donc de bifurquer vers la gauche, et là forcément, je me retrouve seule et ça devient beaucoup plus dur! Quand j'arrive à la 1ere bouée (située à 1km du départ), je suis doublée par les premiers garçons et  bousculée ensuite jusqu'à la fin, (mais je gère... je commence à avoir l'habitude!).😩

Natation bouclée en 58mn, avec 2344m au compteur au lieu des 2200 prévus... énervée quand même de faire autant de détours... voilà ce qui arrive quand je n'ai pas Hervé et sa bouée orange devant moi pour me guider 😉
Je suis 1129ème au sortir de la natation.

Aucun objectif de chrono sur la T1. Je mets mon maillot vélo rempli de sandwiches et de chambres à air, et c'est parti pour 120km sur les belles routes de l'Isère, avec 3 cols à monter. Selon mes calculs, je prévois 8h10 sur le vélo.


La 1ere difficulté démarre au km0, avec 300m d'une rampe assez raide à 8% pour arriver sur la route principale... histoire de se mettre dans le bain 😊 
Les 25 premiers km sont roulants jusqu'à la Séchilienne, mais je me contente de tourner les jambes, interdiction d'appuyer. On entame ensuite les 15km d'ascension de l'Alpe du Grand Serre, en pente régulière à 8% en moyenne jusqu'au sommet. Je passe direct la plus petite vitesse (je confirme que je n'aurai jamais été capable de finir le vélo avec mon 34*28). 
Je me suis fixée une règle: au dessus de 5% de pente, je passe le 32, alors forcément ça mouline, je monte aux alentours de 10kmh, je me fais beaucoup doubler, mais je double beaucoup aussi. Comme à mon habitude, je compte les filles que je dépasse (ça me fait du bien au moral), et arrivée en haut du col, j'ai doublé 15 filles 😁
1h21 d'ascension, et je découvre des paysages somptueux au sommet, c'est de toute beauté.
Je m'arrête au sommet au ravito, mange mon premier sandwich, prend le temps de m'arroser d'eau car ça tape très fort, et c'est parti pour la descente, et une longue phase de récupération sur le plat, avec une petite difficulté quand même au km 52, le col de Malisol, dont personne n'a parlé car il ne fait que 3km, mais avec 1 km à 11% de pente quand même... 
Bref, ensuite, ça redescend et ça roule bien jusqu'à Valbonnais. Nous sommes alors au km70, tout va bien, je continue de manger, de boire, je m'arrête à chaque ravito tous les 20km pour m'arroser et changer les bidons, car l'eau est brûlante dans les gourdes. 
Arrive le col d'Ornon, on est au km80  et c'est reparti pour 14 kms de grimpette. Sur le papier, ça semblait facile avec des pentes assez douces à 4-5%. Dans les faits, cette portion m'a entamée, car il fait chaud, très chaud, il n'y a pas d'air, pas un bruit non plus, on sent que tout le monde est concentré... 2km avant l'arrivée du col, je sens des frissons arriver, pourtant je n'avance pas vite sur mon 32.... une chance que le coup de chaud se soit déclaré assez prêt de l'arrivée, tout de suite je passe sous le jet d'eau au ravito, je crois que tout le monde a trinqué dans cette montée, car les visages sont marqués, on discute avec quelques gars et on se demande tous comment on va faire pour grimper l'Alpe d'Huez, nettement plus pentu, vu le mal que l'on a eu à monter  Ornon.... 😶
Pour l'instant je profite de la descente pour récupérer, je me rends d'ailleurs compte que mes quadri sont déjà assez raides et douloureux, c'est bien la première fois.
Je mouline donc le plus possible jusqu'à Bourg d'Oisans, pour essayer d'avoir les jambes le plus détendues possible avant la dernière "grimpette".😉  Un arrêt au ravito de Bourg d'Oisans pour me donner du courage avant l'ascension...


Et puis voilà, j'arrive au pied de l'Alpe d'Huez, nous sommes au km 108, j'y vais.
J'ai perdu le compte des filles que j'ai doublé depuis le début (25 je crois), je remets les compteurs à zéro et je vais compter tous les gens que je double pour "essayer" de me REdonner du courage. Tout à gauche direct, et ça monte de suite à 11%.... pendant 2 kms. Je suis juste derrière une allemande, Ulricke, et je décide de rester derrière elle, à son rythme. On double pas mal de vélos, le constat est sévère, il y a déjà plein de monde arrêté dès le premier virage. Hors de question que je m'arrête, je suis concentrée dans la roue d'Ulricke, et j'avance... à 7kmh, 50 tours par minute.... et ça passe bien, très bien même (bon en même temps à cette vitesse...😕). 

J'arrive au village de la Garde, j'ai le sourire, car Alain Pallier m'avait tellement traumatisée en me racontant une de ces expériences pendant la Marmotte que je flippais vraiment... Arrêt obligatoire au ravito de la Garde, pour changer les gourdes et se faire arroser... manger, bof je sens que je suis écœurée, je me force à avaler quelques fruits secs quand même (tellement peur de la fringale, chez moi je sais que ça serait fatal!)
Je regarde Ulricke mais elle ne repart pas tout de suite, alors tant pis, j'y retourne toute seule. Il y a énormément de monde partout sur le parcours à nous encourager et à nous asperger, les gens sont adorables! il y a aussi de plus en plus de cyclistes allongés par terre, les voitures de secours montent et descendent l'Alpe.... je reste concentrée, et je continue de compter car j'ai épuisé tous les autres sujets que j'avais dans la tête pour passer le temps...

Arrive le virage 9, et là d'un coup, terrible crampe au quadri gauche... jamais je n'avais eu de crampe sur un vélo, j'essaie de déclipser mais impossible, toute ma jambe est bloquée! je déclipse à droite et déjà la pente reprend, si je m'arrête maintenant en pleine côte, je ne repartirai pas. Alors je pédale en gardant mon pied droit détaché, pour éviter la chute, et là pas le choix, pour gérer la crampe, je dois pédaler le plus "souple" possible... cadence de 40 rpm ... 6kmh...  no comment...😢
Je ne compte plus, car je sens que c'est chaud pour moi, alors pendant les 8 virages restants, je tente l'autosuggestion, jusqu'au virage 1. Je ne me concentre que sur ma voix, calée sur mes coups de pédale ; je regarde ma roue avant ; je refuse de regarder droit devant, la pente a l'air tellement raide. Dès que la crampe revient, j'essaie de relâcher encore plus, et voilà comment très péniblement, j'arrive en haut de l'Alpe en 1h57. Pas fière du tout de mon temps, mais fière de ne pas avoir mis le pied à terre ; ce sera ma toute petite victoire sur cette montagne monstrueuse! Bon pour être honnête, j'avais aussi en tête que Pascal l'avait grimpé en 1h22, 2 jours avant, et je rêvais de m'approcher de son temps.... c'est raté, mais j'aurai ma revanche!😋

Vélo bouclé en 7h21. A l'issue du vélo, je suis remontée à la 888ème place!

Je pose le vélo dans le parc, les crampes ne sont pas loin, mais je me lance c'est parti. En sortant du parc à vélo, je lance un regard à l'arbitre du genre "faut vraiment courir 21km là???!!" et il m'envoie le sourire le plus compatissant qu'on ne m'ait jamais fait. 
Je croise Pascal, qui m'a doublé dans la montée de l'Alpe (en voiture, pffftt), et qui est là pour m'encourager sur la course à pied. Je sais à quel point c'est une journée éprouvante pour lui nerveusement et physiquement à m'attendre, mais ça me fait du bien de le voir!😊


Oui mais voilà, à peine 300m après le départ, une terrible crampe me prend dans le quadri droit, ma jambe est littéralement tétanisée, je dois m'arrêter. Impossible de repartir, je me masse, je repars, mais non, tout est coincé. Je n'ai jamais eu de crampes de ma vie, même sur le marathon, je ne sais plus quoi faire, je me mets à pleurer de rage, tellement je ne peux imaginer de devoir abandonner, ni même de faire le semi en marchant. Une femme arrive discrètement près de moi de l'autre côté de la rambarde (l'assistance est interdite sous peine de disqualification), elle me dit qu'il faut impérativement que j'étire mon quadri. Je lui dis que je n'arrive pas à lever le pied, elle me dit de me calmer, de m'aider avec la rambarde, puis elle repart très vite. Je parviens tout doucement à étirer ma jambe (j'en profite ensuite pour étirer la gauche), et là miracle, j'arrive à repartir.😂 1er km bouclé en 11mn, je m'en fous, au moins je cours! Le premier tour est un peu laborieux, ces crampes m'ont abattues et je sais qu'elles ne sont pas loin. Ça monte doucement pendant 4km, jusqu'au col de Sarrène à 1909m, puis ça redescend sur la station de l'Alpe pendant 2.5km... cette boucle de 6.5km est à faire 3 fois! Je boucle le 1er tour en 53mn (Pascal a dû se demander ce que je foutais), il est toujours là à m'attendre au même point, et je pars pour le 2eme tour sous ses encouragements. Arrivée au km10, au ravito, les crampes reviennent, j'essaie de m'étirer, ce qui me déclenche une terrible crampe aux ischios... bon la technique ne marche plus, alors dans les côtes, je monte en marchant en lançant les jambes vers l'avant pour relâcher au max tous les muscles, et je cours en toutes petites foulées, en rasant le sol. J'essaie de trouver toutes les combines possibles pour tromper mon corps, et aller au bout de ce semi, en courant. 😡

Quand j'arrive au dernier virage pour tourner à droite vers l'arrivée, je vois le gars devant moi, qui lui tourne à gauche car il lui reste 2 tours à faire, et là je l'encourage de tout mon cœur! Quand j'arrive au virage, j'entends le speaker qui annonce qu'on a dépassé les 11 heures de courses, j'explose de rire, je m'en fous, je suis au bout, et je boucle cette course en 11h04 (pas si mal mes pronostics!!)

Sur le coup, je ne réalise rien, car mon corps réagit si tôt la course terminée: de violentes nausées, et mon estomac aura mis 2 jours à se rétablir.

A froid, après avoir analysé ma course sous tous les angles, je dirais que j'ai fais une natation "à mon niveau", et une bonne course à pied (2h34), au vu du dénivelé et de mon état général.
Sortie 1129ème de l'eau, je termine 842ème au général, au moins sur ce point, les courses se suivent et se ressemblent! 
Il y aura eu au final 272 abandons pendant l'épreuve!

Déçue de l'état dans lequel je termine à vélo. Avec un peu de recul, je me dis que je n'ai peut être pas fait la bonne préparation, (pas assez de sorties très longues type prépa ironman avec 5-6h de selle, et pas assez de montagne). La prochaine fois que je me lance sur une épreuve de ce genre, ce sera stage obligatoire de 3 semaines en montagne ; j'en connais un qui va être heureux!!😉

Mais je suis confiante, on avance aussi en apprenant de ces erreurs! En attendant l'objectif 2019 est atteint, je vais pouvoir souffler et faire une fin de saison sans pression! Tout le reste ne sera que bonus!

Juste pour info, car oui, les extra terrestres existent, le vainqueur masculin est français: 6h02! La meilleure féminine est suisse, octuple championne sur Ironman, elle boucle l'épreuve en 6h15 (6ème au classement général) : 4h16 à vélo et elle fait le meilleur temps dans la montée de l'Alpe d'Huez en 55mn hommes et femmes confondues!!😮

Pour ceux qui auront eu la patience de lire jusqu'au bout😊j'en profite pour remercier mes compagnons d'"Alerte à Verneuil" Hervé, Christian et Yves qui m'ont permis de faire plus de natation en eau libre cette année 😊 ; tous ceux qui m'ont prodigué de nombreux conseils et partage d'expérience lors des sorties vélos ; mon papa qui m'a fait un plan d'entrainement CAP au top depuis Janvier, et mon cher et tendre bien sûr pour sa patience et ses encouragements, et qui a sans doute beaucoup souffert aussi pendant cette journée interminable!!

A bientôt sur les routes!


Commentaires

  1. ouuuuaaaaah! Grand coup de chapeau Mme Mevel! Faire la 2ème moitié de la montée de l'Alpe avec des crampes, faut déjà en vouloir! Enchainer 20 bornes de course derrière ça devient de la science-fiction...
    Sinon au milieu des règles que tu t'étais fixées, je note une énorme erreur:
    On ne MELANGE PAS les sandwichs avec les chambres à air, après ça donne des problèmes digestifs.

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  2. Je rentre de vacances de lézard sous le soleil du Portugal et je découvre à la une du blog de "l'équipe de Jouy" l'article le plus époustouflant de notre année sportive.

    Enooooormissime !!!!

    Les superlatifs manquent à mon vocabulaire pour qualifier ta performance.
    On a le droit d'être fiers d'avoir le privilège de compter dans le club une athlète de cette trempe dont les devises sont courage et abnégation en toutes circonstances.

    Bravissimo !!!

    A bientôt au point de RV du centre culturel, juste au départ, après je serai loin derrière.

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